Arbre : s'extraire de la graine et naître enfin pour pointer hors de terre un mince fil de germe végétal, une pousse fragile. Déployer quelques feuilles pour profiter de la lumière du jour, puiser l'eau par soi-même dans l'épaisseur du sol, et se débarrasser de la gaine nourricière étriquée. Sentir tout au fond de soi la puissance de la sève se gonfler dans la fibre. Pousser l'écorce et enfler, se gorger de force et de vie et se dresser à travers l'air jusqu'à vouloir crever le ciel. Etre arbre et s'imprégner de la folie frénétique qui pousse à forcer patiemment dans la densité de la pierre pour enfoncer ses racines dans les nappes phréatiques et en hisser la saveur jusqu'au faîte aérien. Etre dans le mutisme, l'immobilité et l'incapacité, avec la force démesurée, la puissance, et la domination dans les veines. Avoir l'énergie colossale contenue, retenue, compressée, qui pousse de tous côtés, mais filtrée, concentrée et d'utilité précieuse, dans la lenteur des saisons, afin de croître avec justesse et avec la mesure du temps, pour faire peser des hauteurs acquises sa tache immense sur le sol, recouvrir la terre sans en avoir l'air. Etre arbre c'est avoir la folie de savoir régner.

 

* Une poésie de l'être, qui tend vers le cerveau. Une poésie de maux, qui tend vers la bavette.