Racines : j'irai marcher sur la terre, entre la cime des arbres et les souches que tu charries à pleines mains. Aux portes du sous-bois, je fuirai le chemin et m'enfouirai à corps perdu dans une masse touffue de ronces et de fougères. Je gratterai le sol au pied d'un tronc large et puissant, je gratterai l'écorce avec mes ongles, avec mes os. Je défigurerai sa peau fragile et terne comme un fruit qu'on écorche. Je creuserai sa chair comme un insecte fou, je me faufilerai au mou de ses entrailles, par des couloirs, des tunnels et des conduits, en peuple de vermine. J'y tisserai un cocon des fibres de ma haine et de la sueur de l'effort. Là, je me nourrirai, je me reproduirai, je serai infini. Je serai feu, je serai pierre, je serai parasite. Je puiserai ma sève au profond de la terre. J'épuiserai la force du flot de ses artères, fracassant de mes poings le souffle des tempêtes et les battements d'une vie. Et quand j'aurai fini par prendre toute la place, je serai alors Arbre à la place de l'arbre : mes bras tendus à se rompre jusqu'à l'extrémité des branches et pendant comme des tentacules, mes pieds plantés dans un sol meuble au plus profond des racines, je déchirerai cette peau désormais inutile pour t'affronter en corps à corps. Enfin.